Roxane Maurer

Artiste peintre – 1960-2014

Espace Roxane Maurer - Inauguration - vendredi 19 juin 2015 - Sous le regard de Valère Staraselski

Nous y voilà. A la première exposition, mais surtout à la première exposition qui, de fait, est l’inauguration de l’Espace Roxane Maurer. Je me souviens d’en avoir tout naturellement émis l’idée quand l’échéance approchait et que j’envisageais l’après. Je m’étais promis de ne rien t’en dire. Et puis j’ai osé, te le dire, là-haut, dans la pièce où tu travaillais et où tu dormais. Alors, tu as réagi. Je revois ton regard planté dans le mien, ta voix, le ton de ta voix, comment dire ? Comme une protestation, mais une protestation reconnaissante : "Je ne suis pas encore morte !" C’est que tu avais toi-même évoqué ta mort, à plusieurs reprises, mais sans vraiment y croire. Jusqu’à la fin où tu as bien voulu concéder dans les couloirs de l’hôpital un : "Là, ça passe ou ça casse !"... En vérité, moi je n’y croyais pas vraiment non plus ! Je le savais, mais cela restait abstrait. C’est après, c’est après qu’on t’ait mis en terre que j’ai compris, vraiment compris...

Voilà, donc, cet espace existe. Il existe, tout d’abord, il faut bien le dire, car nous avons gagné les moyens de le réaliser. Très jeune, tu m’as dis un jour que Pascal, Blaise Pascal, assurait qu’il ne fallait pas être un miséreux pour qui voulait être artiste ! Je t’ai regardé, un peu interloqué, et depuis, nous n’avons pas cessé l’un et l’autre "de taper dans la butte". Oh, tu savais parfaitement toi ce que signifiait cette vie ! C’est pourquoi, tu comprenais totalement ce que la plupart n’imaginent pas. Ainsi que le dit Arlette : faire tenir trois jours en un... Cette vie à rythme d’enfer sans répit, sans repos... C’est pourquoi, quand tes problèmes de santé ont commencé, j’ai accepté, profondément accepter, je veux dire mentalement, de porter notre vie, même si-toi-même tu n’as fini par lâcher une activité professionnelle que tard, peu de temps avant de mourir en somme... Ton énergie, tu l’as mise à créer jusqu’au bout et de manière indissociable à vouloir faire partager la création avec ce lieu... Et tant mieux ! Et heureusement !

Alors voilà que ce lieu existe, mieux, il vit et ne vit pas que de souvenirs mais vit vraiment ! Et cela grâce à une association, à un comité de pilotage. Et ce sont eux, les femmes et les hommes qui le composent et agissent qui en sont les véritables héros ! Ce sont eux qui travaillent depuis plusieurs mois déjà pour parvenir à ce résultat, au résultat de ce soir que chacune et chacun peut admirer. Chapeau bas les artistes... Je dois t’avouer que je n’ai pas tout à fait suivi tes consignes. Oui, le jour où on t’a mise en terre là-bas près de cet immense et magnifique arbre qui jouxte l’église de Genouilly, on est venu me voir de manière très revendicatrice et, troublé, je dois concéder que je n’ai pas eu la force de repousser les bonnes volontés qui se pressaient autour d’un projet, en fait de la continuation de ce que tu avais commencé.

Bien sûr, très certainement, j’ai été maladroit mais c’est que je ne voulais rejeter personne... Aussi, mon cher, mon très cher Rémy, je te prie de recevoir mes remerciements les plus vifs pour ton acceptation de faire ainsi partie de cette aventure collective un peu différemment que prévu ! Du fond du cœur, je tiens à te témoigner toute ma reconnaissance. Comme je tiens à te dire merci pour l’affiche, très belle, de cette première expo elle-même réussie, très ! Alors, évidemment, ce collectif a un président. Et Jean-Pierre Bambier, le Gaulois dixit Bernard Mardon, qui somme toute y voit très clair dans le genre humain, je te remercie toi aussi d’avoir accepté ce poste que je suis bien en peine d’honorer. Je te sais gré de t’être si bien acclimaté aux us et coutumes également de ce coin de la France. Quand je dis us et coutumes, je précise fromage et dessert compris ! L’assistance saisit, je crois... Il est vrai que dans ce domaine tu as trouvé en Saïd, ça n’est pas le seul, un alter ego sans pareil ! Et bien entendu, je ne parle pas des édiles et autres élus, des militants, des vierzonnais qui possèdent, en la matière, une solide expérience... Plus sérieusement, merci à Michel Garraud, secrétaire, Danielle Clochard, secrétaire adjointe, Brigitte Andrivet, trésorière. Merci aux membres du comité de pilotage, à toi Rémy Duroir, à Yo et Jacques Pinier, à Bernard Mardon, àAlain Clochard dont je sais les liens qui vous unissaient à Roxane. Aux amis, toujours présents, n’est-ce pas Joël Simier. A Laurent, à Françis qui font un travail considérable ! A Thierry Gaudefroy, le grand intendant !
Je dois dire que du point de vue de mon humble personne, je sais qu’avec vous, j’ai beaucoup de chance...

Mais plus largement, pour dépasser nos individualités, ici en Berry, en France, en 2015, implanter et faire vivre un tel lieu n’est pas chose anodine. Pour aller au plus essentiel, permettez-moi de reprendre les propos de la Directrice Générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, l’UNESCO, Mme Irina Bokova. Face au nettoyage culturel opéré en certaines parties de notre monde, celle-ci déclare : "La culture n’est pas un objectif, mais un moteur pour le développement". Le développement humain s’entend, mais pas seulement ! Le développement social, politique et économique également. LeGénéral de Gaulle le disait autrement : "Le commandement général, c’est la culture !" C’est pourquoi, je suis heureux de saluer ce soir la présence deMichel Legendre, maire de Genouilly, de Jean-Pierre Charles, conseiller général, maire de Graçay, d’Henri Letourneau, maire de Dampierre en Graçay. Et vous toutes et tous réunis ce soir...

Par votre présence, vous marquez votre intérêt mais également votre implication pour une vie culturelle qui rassemble les habitants, les visiteurs dans des moments de partage.
Permettez-moi enfin de revenir à celle par qui cette aventure est advenue.

Une voix, un regard et la présence tellement évidente de la personne se fait sentir. Avec tes œuvres, dont la présence est densifiée par un va et vient celles de Yo Pinier, l’artiste, que je salue et remercie, on a ta présence, j’ai ta présence.
Lorsqu’on vit avec quelqu’un, on est aveuglé. Je veux dire qu’il y a des choses qui crèvent les yeux et qu’on ne voit pas, qu’on ne voit plus. A présent, je vois tout parfaitement bien. La fraîcheur et la fatigue de la vie partagée. Et je suis fier, oui, fier de toi.

Si la mort nous prend ceux que nous aimons, elle nous les restitue et nous les garde en quelque sorte en les fixant dans leur essence. Ainsi, pour Roxane, ce message de la photographe Lydia Belostyk traduit ce que je m’efforce d’exprimer la concernant : "Je continue le chemin qu’elle a initié. Annie continue de m’accompagner. Quand je doute, je pense à elle. Je vous embrasse".

Certains êtres, en fait presque tous, ont besoin d’aide pour vivre. Nous, nous avons trouvé l’art. Que cela soit partagé par le plus grand nombre ! Que cela nous conduise à célébrer la vie et à la rendre d’abord possible et en définitive plus belle ! Cet espace a vocation à être ouvert à toutes et à tous. Ce lieu vous appartient, ce ne sont pas des mots mais une réalité à faire vivre !

Merci à vous toutes et tous d’être là ce soir !
Merci Madame, Merci Annie, Merci Roxane !