Roxane Maurer

Artiste peintre – 1960-2014

Roxane Maurer ou les bifurcations périlleuses - Jehan Van Langhenhoven

La seule lectrice de poèmes est celle qui dans les C’havann des hannetons de Jarry entrevoit la mort et qui de ses ting ting ting ting ting ting ting tating ting dit : oh mais c’est l’orage sur Bucarest et les autres...Jo Populo / Position 6-2

Je ne sais rien de Roxane Maurer. Ou si peu. À l’exception bien sûr de ses coups de crayon, ses traits de plume. De ses pleins, ses déliés. De ses brusques échancrures et autres coins d’ombre ...

Aussi ne puis-je que la pressentir et même, clef majeure du jeu (organe essentiel), l’espérer parfois, si ce n’est le plus souvent possible, un brin déroutée par ces chemins de traverse qu’à l’encontre des littératures du jour mon verbe, depuis plusieurs années déjà, n’a eu de cesse de lui proposer.

La pressentir, quelle que soit la forme empruntée, s’immergeant, bien au-delà du simple principe de l’illustration - terme toujours par trop restrictif propre à ne dire que la superficie - en des zones qui en d’autres circonstances lui auraient peut-être été totalement étrangères.

Mais c’était compter là sans la connivence. Connivence il va sans dire secrète. Et pourtant irréfutable d’évidence.

Roxane Maurer, au prénom si théâtral, n’illustre pas. Elle accompagne. Complice.

De croquis, vite, jamais bâclés, aptes à saisir la toute-fulgurance (éternelle) de l’instant, en planches savamment élaborées, confer Urbanus Erectum.

Aveu flagrant et réciproque d’une certaine conception esthétique de l’impudeur

Non, je ne sais rien de Roxane Maurer.

Outre ici et là quelques détails.

Qu’il s’agisse de sa fréquentation assidue des maîtres anciens - d’où cette exigence graphique qui jamais ne la quitte - qu’au passage elle n’hésitera pas à détourner, ou encore d’une attirance désormais palpable pour le nu.

Attirance qui, contrariant ses premières pulsions, pour le moins figuratives et consensuelles, pourrait bien finir par tout droit la conduire (mais n’est-ce pas déjà fait : Urbanus Erectum, toujours) à l’Inavouable, et pourquoi pas, une fois toutes fesses, tous seins épuisés, sur le terrain indéniable de l’abstraction.

Porte ouverte sur les probabilités d’un nu bien plus nu encore et qui le cas échéant ne manquerait pas d’exiger de sa part une bifurcation radicale. Et par conséquent périlleuse.

Mais n’est ce-pas là la fonction la plus profonde et authentique de l’art ?

Puisse la littérature, de préférence celle qui déroute et qui, frappée du sceau incontestable de l’énigme, se nomme aussi parfois poésie, encore longtemps l’accompagner sur ce chemin.

Là où, au coin de chaque ting ting, il fait si bon et évident deviner l’orage sur Bucarest et les autres ...

Jehan Van Langhenhoven - Paris, le 6 mars 2008