Roxane Maurer

Artiste peintre – 1960-2014

À Roxane Maurer — par Jehan Van Langhenhoven


Roxane Maurer - 1960/2014



Et j’oubliais votre trait faisait plaisir à voir. Bravo !

L’impudeur est une vertu lorsqu’elle permet de brusquer le mouvement. Soyons impudiques ; c’est le privilège des hommes pressés.

Jo Populo/position 46

Il existe des entraves têtues et c’est alors du grand secret de l’être dont il s’agit. Vous ne serez pas peintre. Nous eûmes cette conversation et ce fut à Cordes sur ciel en juin 2004 lors de la rétrospective Aline Gagnaire. Pourquoi ? Mystère. Qu’importe, nullement amère, vous ferez en conséquence de l’image. Sous toutes ses faces et coutures. Aussi, album de vie, ai-je aujourd’hui à foison des images de vous Vive. Ponctuelle. Fidèle au rendez-vous. Opiniâtre impudique et jusqu’à de vagues croquis, légers, très légers comme autant de rappels à l’ordre aptes à nous restituer à la toute précarité de l’instant. Images de vous d’avant Roxane (prénom long à venir fleurant bon l’intrigue et le drame), un brin punk rue de Crimée, un carton à dessins sous le bras fixant les fenêtres de ce gymnase des Buttes Chaumont où chaque matin, Valère S. et moi aimions à nous retrouver afin entre deux propos acerbes, deux discordes, de copieusement nous affûter le pectoral, les biceps : prémisses d’une amitié philosophico-musculaire de longue haleine...

Image plus tard. L’Usine liquide à Aubervilliers. Pour le Festival des Agitateurs d’avenir. Vous y exposez. Aux antipodes de mes dérives, pourtant à l’instinct aussitôt sera l’accord pour un voyage des plus prolixes, sans le moindre accroc jamais. Comme s’il s’était ici agi pour vous de franchir une frontière (acceptation de l’énigme) et pour moi de m’en revenir à la banlieue rouge (au fond jamais quittée) des origines ...Marché de Romainville, carton à dessin sous le bras toujours, vous y déambulez, pâle, droite, un foulard de couleur sur la tête. Et impudeur oblige, ne vous avais-je pas d’entrée de jeu prévenue, comment ne pas y savoir votre crâne chauve (à l’instar du mien voici... peu, troublante coïncidence !) tout en sous votre corsage devinant l’horrible balafre. Des hommes vous hèlent, jeunes. Basanés. Profondément noirs pour certains .Vous souriez. Ravie. A n’en pas douter érotico-politico-organique. Une confidence : identique sympathie pour l’Internationale.

Nouvelle image au micro de Radio Libertaire (nous y tournerons une vidéo). Emission consacrée au nu. Matière qui tant vous fascinait. Nu des maîtres de jadis dont vous aviez coutume d’au musée périodiquement recopier les splendeurs et nu bien sûr de la vie qui va que derrière vos airs souvent de réserve extrême, je vous aurai toujours soupçonné de guetter, convoiter jusqu’à l’impudeur la plus parfaite... Cette impudeur au Tannina /bar/restaurant/salle d’exposition ; Signature d’Urbanus Erectum (édition Alain Benoit, autre récente pâture de la bête immonde). Il y a là de votre côté comme du mien profusion de seins, turgescences et copulations en tout genre. Epoque du Ramadan. Le patron s’insurge. Vous négociez. Souriante. Diplomate. Quitte à concéder quelques lèvres (grandes et petites) quelques par trop déviantes pénétrations... Le lendemain, il nous avouera avoir reçu des menaces de mort.

J’ai appris la vôtre dans mes rêves depuis longtemps annoncée. Elle ne m’intéresse pas. Du moins pas plus que celle de tous mes amis qui, au fil des années, malgré mes injures et mises en demeure n’en finissent plus de tourner la page. Aussi encore vierge de tout altération (ou presque), saisis sur le vif, plutôt ce diaporama, cette lanterne magique. Ici, là, dans la rue, aux terrasses des cafés comme en couverture ou au cœur de mes livres. Photos, encres, fusains et croquis encore, si vagues, si légers (confer Madame Bonaparte), qu’ils semblent tant nous dire sur l’incontestable futilité du théâtre humain. Et j’oubliais votre trait faisait plaisir à voir. Bravo !

Jehan Van Langhenhoven - Kaleidoscope des Lilas Numéro 7 de Mange Monde - éditions Rafael de Surtis

Stresa /Lago Maggiore 02 juillet 2014