Roxane Maurer

Artiste peintre – 1960-2014

"Humanités" Sous le regard de Francis Vladimir - 25 mai 2015





Le titre générique Humanités fait écho à la personnalité de Roxane Maurer. Certains parmi vous eurent la chance et le bonheur de croiser son chemin. Votre présence en atteste. Sa pratique artistique, son œuvre, sa recherche se sont constamment abreuvées, nourries, de cette chose-là ineffable et totale : la quête d’une humanité partagée.

Le regard porté aux œuvres proposées permet de goûter, d’interroger, de nous laisser porter, d’ imaginer ce que l’humain requiert parfois de force ou de faiblesse, de collectif ou de solitude, de joie ou de souffrance, d’ouverture ou de repli sur soi. Le monde tel qu’il est malmène et asservit les uns, le plus grand nombre, la foule des gueux. À l’opposé, une petite poignée, une petite caste vient se gorger jusqu’à plus soif des douleurs et des rêves, tels des vampires revenus de nos vieilles histoires, déambulant l’air de rien sur la misère du monde, foulant au pied le sacré de la vie. Ainsi se fracassent les espoirs les plus fous face à une adversité de plus en plus obscure qui est le lot constant des funambules de la vie, ceux qui chancellent, qui tanguent comme des bateaux ivres sous les coups de vents trop forts mais qui, animés de l’envie de vivre, désir forcené, insoumis et glorieux, refusent de tomber, de sombrer dans l’abîme, dans le noir absolu.

De l’art venu du plus lointain des âges de lagrotte Chauvet à l’art contemporain, cet art aujourd’hui dédié aux humains que nous sommes, tout a été dit dans la tentative toujours renouvelée de nous sauver. Les sculptures que Yo a choisi d’associer aux peintures de Roxane appartiennent à ces humanités qui essayent de dire leur nom et nous interpellent dans la plénitude du mystère. Il n’y a là rien d’excessif sauf cette lourdeur qui émane d’une démarche solitaire, refermée en elle-même, côtoyant son semblable, lui-même soumis à des forces muettes, un destin écrasant et banal. Si elles se mettaient en marche nous serions, qui sait, tentés de les rejoindre, sans but avoué ou précis, à l’aveugle, histoire de retrouver à leurs côtés un semblant d’humanité, fût-elle bégayante, sourde, hallucinée. Des hommes tels des armées d’ombres, silhouettes éteintes sous le vêtement de travail au tissu grossier, visages anonymes au regard éteint, sans autre promesse que celle d’aller au bout du bout de la vie assignée à l’individu c’est à dire les aléas, l’effritement, le non-sens.

Que vous dire de ces femmes sanglées dans une burka qu’on aurait voulu d’un autre âge, ces femmes sans identité, si proches de l’enfermement, de l’effacement d’elles-mêmes ? Observez la matière, la forme, l’élan, la silhouette, le regard absent mais dont on sait qu’il est là, derrière la grille, et qu’il nous capte avec des yeux bien vivants !
Roxane répond au vide qui guette, au néant à l’embuscade. Elle connaît l’urgence. Elle la vit quotidiennement et la jette en quelques traits enrobant la silhouette, le corps débarrassé de l’emprise du vêtement, la posture. Elle saisit le fugace, l’intimité d’un refuge intérieur rassurant. Juste le temps de souffler, de se poser, de se laisser aller, de se retrouver, de tourner la tête, de se donner à l’autre dans un élan qui met hors de soi et projette dans l’inconnu. L’inconnu de soi. Elle s’accorde à eux dans une palette chaude, elle y met une distance, une manière à elle d’estomper ce qui est trop lourd à porter seul, c’est-à-dire le doute, le non-dit, l’attente, le désarroi et la désillusion mais aussi le sentiment d’une altérité commune, indifférencié. Qu’importe l’âge, le sexe, le lieu, la croyance.
L’art subverti les réticences, l’art magnifie, on le sait, surtout lorsqu’il nous submerge nous déposant ainsi dans le halètement de notre humanité.

Merci à vous de prendre le temps, de vous accorder ce détour dans la galerie que Roxane a voulu ici et maintenant, dans le temps présent à Genouilly, petit village près deVierzon, cher à son grand cœur d’artiste. Merci à YO pour la simplicité et la force de son compagnonnage pétri à la terre de nos humanités.

Ensemble, prenons l’engagement de s’essayer à poursuivre le rêve de Roxane Maurer. Que l’art viennent s’ébattre en toute liberté et fasse battre nos cœurs dans cette paisible campagne duCher.


Francis Vladimir 25 mai 2015