Roxane Maurer

Artiste peintre – 1960-2014

Poème à Annie Roxane Maurer — par Thierry Renard

à Annie-Roxane Maurer, pour mémoire

« Nue effacée ensommeillée


Choisie sublime solitaire

Profonde oblique matinale

Fraîche nacrée ébouriffée

Ravivée première régnante

Coquette vive passionnée... »


Paul Éluard, Poésie ininterrompue


Se glisser sous la peau des mots

Dorénavant, je n’oserai plus prononcer ton nom, et mon cri restera muet.

Et mon cri restera muet.


Tu avais su donner un peu de soleil à nos élans.

Tu avais su rendre publique notre parole.
Tu avais su porter plus haut notre chant.

Et aussi plus loin,
bien plus loin que le jour, nos aveux d’impuissance et nos désirs les moins convenus.

Tu étais l’épouse du geste, du plus commun au plus singulier.
Nous étions devenus frères en insoumission. Ton talent débordait de toutes parts.

Tes peintures, tes dessins, tes images, jamais n’ont manqué leur cible promise.

Toujours se tenaient cachés, derrière ton œuvre ordinaire, toute la force du poème et une immense charge érotique.
Pour toi, la nudité des corps n’était pas trompeuse.

Pour toi, l’ombre et la lumière étaient deux versants d’un même feu.
Pour toi, il y avait toujours l’amour, la révolte, la poésie...

Et,encore, les mille souffles de la liberté.


Les mille souffles de la liberté.

Maintenant, mon amie disparue,
Il s’agit de se glisser sous la peau des mots, dans les draps froids de l’alphabet.

Il s’agit de rêver, de rêver peut-être, dans les bras des lettres.

Se glisser sous la peau des mots. C’est tout.
Et c’est tout simple, finalement.

Mais se froisse-t-elle, se plisse-t-elle, mon amie disparue, la peau des mots silencieux ?

[Vénissieux, nuit du 23 au 24 septembre 2014]